dimanche 20 mars 2016

Je n'ai pas toujours été un vieux con - Alexandre Ferega


Échappé de justesse de l'incendie de son appartement grâce à un jeune voisin téméraire, Léon atterrit aux Primevères, une maison de retraite, avec une fracture hanche-bassin, un vieux transistor rescapé du brasier, un paquet de souvenirs à raconter, et avec cynisme s'il vous plait ! Grande gueule dotée d'un humour grinçant, sans doute légèrement nostalgique, le septuagénaire écrit dans sa chambre entre deux passages d'infirmières et le défilé des pensionnaires gênants.

«  Je suis mon propre juge, mon seul témoin. Pourquoi j'écris ? Parce que je ne veux pas crever avant d'être sûr que ce que j'ai vécu a réellement existé. J'aurais pu partir en fumée sans penser une dernière fois à  tout ce qui a fait ce que je suis. On dit que la plus belle des morts se passe dans le sommeil. Finir sur un rêve. Quelle tristesse ! Je préfère crever sur une pensée tant qu'elle est belle. Tant qu'elle est.  »

Rapidement, la vie à la maison de retraite empiète sur les souvenirs de Léon, des liens se créent entre les hommes et les existences, et les notes du vieillard semblent en être l'aboutissement, par un effet boomerang inattendu. Comment la vie de chacun va-t-elle s'imbriquer dans celle des autres ?



Grand-père attachant, Léon fait l'unanimité auprès des lecteurs opportunistes qui sauront se glisser dans la peau des petits enfants qu'il n'a jamais eu et à qui il aurait pourtant eu beaucoup à transmettre : sur l'enfance qu'il a perdu trop tôt, sur les amitiés éphémères mais inoubliables, sur l'amour et le faire-l'amour... sur la vie tout simplement. 

«  Les mauvais souvenirs, eux, sont là pour baliser la pensée. Je peux être sûr d'avoir bien fait l'amour une fois, seulement lorsque les coïts imbéciles me reviennent en tête. Je peux être fier des amis que j'ai eus en pensant aux personnes que j'ai haïes. Je peux apprécier tout ce que j'ai réussi dans ma vie en n'oubliant aucun des ratés qui l'ont jalonnée. Je serai rassuré si je ne regrette pas trop ces ratés, s'ils ne m'empêchent pas de rendre les clés paisiblement. »

C'est assez impressionnant de constater comment Alexandre Feraga s'est complètement accaparé ce personnage âgé au caractère bien trempé alors que Je n'ai pas toujours été un vieux con est son premier roman : belle performance ! J'ai eu la chance de le rencontrer le 27 Février 2016 et de discuter un peu avec lui, et voilà un extrait du petit mot qu'il m'a laissé pour parler de son livre :

«  Non, la vieillesse n'est pas un naufrage, mon Léon en est la preuve vivante. »

Alors adoptez vous aussi ce petit grand-père si attachant malgré son mauvais caractère !



POUR CEUX QUI L'ONT LU
/!\ spoilers

Je ne sais pas vous mais j'ai été vraiment surprise de découvrir le passé mouvementé de ce petit papi. Bien sûr, on s'attend toujours à des problèmes familiaux ou des souvenirs de la guerre dans ces histoires. Mais un gamin mafieux abandonné par sa mère et qui traverse l'océan avant de revenir à Paris pour manquer de brûler vivant dans l'incendie accidentel de son appartement... ce n'est pas banal ! De même que son lien avec la pas-si-folle Madame Camus. Avouez : vous aussi vous l'avez pris pour une vieille allumée...
Vous l'aurez compris, beaucoup de phrases m'ont marqué dans ce livre pourtant relativement court. J'ai aimé l'ambivalence des mots de Léon, tantôt cinglants et crus, mais qui dévoilent une réelle profondeur et même une certaine sensibilité. Et puis le fait que le livre se termine par la répétition du début, c'est quelque chose qui m'a toujours fait un effet fou (comme quand vous regardez une série ou un film, et que le personnage que vous adoriez et qui avait disparu en cours de route réapparaît miraculeusement dans une scène niaise...). Ici, ça donne vraiment un sens à ce roman, comme si, sans le savoir, Léon avait commencé à écrire sa vie afin de pouvoir la raconter à Madame Camus et peut-être inconsciemment obtenir la rédemption pour le crime dont il est en partie responsable. 



Citations bonus !

«  Les malheurs des autres ont très peu d'effets sur moi. Ils font partie de la vie. On ne peut pas vouloir jouir sans arrêt et refuser la merde qui tombe un jour ou l'autre sur notre tête.  »


«  Est-ce que tu peux être sérieux deux minutes ?
- Jack, personne ne peut réaliser un tel exploit de nos jours.  »



Alexandre Feraga / Je n'ai pas toujours été un vieux con / paru en 2014 chez Flammarion, puis en format poche chez J'ai lu en 2015 / 251 pages (poche)


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