mardi 8 mars 2016

En attendant Bojangles – Olivier Bourdeaut


I knew a man Bojangles
And he danced for you
In worn out shoes
With silver hair, a ragged shirt
And baggy pants, the old soft shoe
He jumped so high, he jumped so high
Then he lightly touched down



La voix de Nina Simone se fait entendre dans le salon, invitant Mister Bojangles (prononcez Bodjèngueuls) à danser. Georges, le père, est le portrait craché du cavalier prussien qui est immortalisé sur le tableau accroché dans le couloir, mais c'est aussi son propre grand-père, ami de Dracula et ancien amant de Josephine Baker. Pour ça, elle l'a aimé immédiatement.
Vous ne me croyez pas ?
Vous avez bien raison ! Tout cela est faux, mais c'est lors de cette discussion farfelue que Georges a arrêté de s'inventer des vies auprès des inconnus, pour enfin passer la sienne avec cette femme, sans nom mais qui les porte tous, et aussi extravagante que lui, si ce n'est plus...


« Le temps d'un cocktail, d'une danse, une femme folle et chapeautée d'ailes, m'avait rendu fou d'elle en m'invitant à partager sa démence. »


       Leur vie n'est que folie et mensonge, mais c'est cela qui la rend si merveilleuse. Cette folie douce, jubilatoire, contagieuse, fait de l'existence de cette famille une fête perpétuelle, entre les soirées entre amis et les vacances au paradis (comprenez un château en Espagne).

Mais les mensonges des uns ne cacheraient-ils pas la vérité des autres ? C'est ce que le jeune narrateur et son père vont découvrir, brutalement, comme une remise en question du quotidien qu'ils croyaient inaltérable. Animés par l'amour – tout à fait immuable cette fois – qu'ils portent pour leur épouse et mère, Georges et son fils vont embrasser cette déraison en laquelle ils ne peuvent pourtant plus croire tout à fait, juste pour préserver encore un peu leur vie de famille si particulière et faire résonner un temps encore cette invitation à danser avec Bojangles.



Ma libraire m'a conseillé ce roman en me présentant Olivier Bourdeaut comme celui qui deviendra l'un des grands auteurs de notre époque. Quand on vous dit ça, évidemment, vous avez envie de lire le roman. Mais je dois dire que l'objet-livre en lui-même est déjà pas mal attirant ! La couverture très colorée, en carton, rappelle le pop art de Roy Lichtenstein. Elle donne immédiatement envie de danser, tout comme lorsque l'on ouvre les pages. D'ailleurs, impossible pour ceux qui ne connaissent pas la chanson de ne pas céder à la tentation d'aller écouter Nina Simone. ( Je vous mâche le travail → https://www.youtube.com/watch?v=LzofnHLOer4 )...
Un magnifique roman, touchant mais aussi très drôle. Olivier Bourdeaut n'a plus à douter en se sentant petit face à sa bibliothèque, il rejoindra bientôt tous les grands auteurs qui y sont alignés. Il a déjà une place attitrée dans la mienne !


POUR CEUX QUI L'ONT LU...
/!\ spoilers


Ma libraire n'avait pas tort, ce roman est vraiment génial. On entre vraiment dans un autre monde, semblable au nôtre, mais décalé d'une manière ou d'une autre. On a terriblement envie de rejoindre le narrateur et ses parents afin de danser avec eux, mais en même temps on a une certaine appréhension, comme si on sentait déjà que quelque chose clochait.
Quelque chose cloche : les mensonges que Georges déblatérait pour s'amuser, Georgette/Pauline/Renée les prenait pour la réalité. Elle ne disait que la vérité, sa vérité en tout cas. Cette révélation est assez terrible pour Georges comme pour nous. Même le narrateur savait que tout cela n'était que des mensonges, il les affirme comme tel depuis le début. Là, on comprend que l'excentricité de Miss Bojangles cache une véritable folie, tapie dans l'ombre depuis toujours, déguisée. Il est touchant de voir comme les mensonges sont bénéfiques, et seulement bénéfiques, dans ce roman. Mensonges pour s'amuser et sans blesser quiconque, mensonges par amour, mensonges pour que tout aille bien ou pour que cela en donne l'impression... Mensonge pour vivre puis pour survivre. Malgré tous leurs efforts, elle n'arrivera pas à vivre en connaissant la vérité derrière le mensonge, la lucidité ne lui laisse pas le droit de poursuivre la mascarade. Et l'absence ne permettra pas à Georges de survivre non plus. A peine le roman est-il fini qu'on est déjà nostalgique de ces danses endiablées, des soirées interminables et des cavales qu'on passe déguisés en américains tape-à-l'oeil. Comme le narrateur, on se demande comment on va vivre sans eux, et comment les gens ont pu vivre sans eux jusque là... 



CITATIONS BONUS !


«  Papa hurlait :
- Pauline, où sont mes espadrilles ?
Et Maman répondait :
- A la poubelle, Georges ! C'est encore là qu'elles vous vont le mieux !
Et Maman lui lançait :
- Georges, n'oubliez pas votre bêtise, on en a toujours besoin.
Et mon père répondait :
- Ne vous en faites pas Hortense, j'ai toujours un double sur moi ! » 

~

«  Je ne peux pas passer mes journées à vous attendre, je ne peux pas vivre sans vous ! Votre place est avec nous deux... Pas une seconde, surtout pas une journée ! D'ailleurs, je me demande bien comment font les autres pour vivre sans vous, chuchota-t-elle. »

~

«  En les observant, assis sous un olivier, rire et discuter en offrant leur visage blanc au soleil, je m'étais dit que jamais je ne regretterai d'avoir commis une folie pareille. Un si beau tableau ne pouvait être le fruit d'une erreur, d'un mauvais choix, un éclairage si parfait ne pouvait entraîner aucun regret. Jamais. »



Olivier Bourdeaut / En attendant Bojangles / Roman paru en 2016 chez Finitude / 160 pages



2 commentaires:

  1. Alors ça y est je l'ai enfin lu ! J'ai beaucoup aimé, tu as raison ce roman est génial ! Mais je ne sais pas trop si je l'est trouvé drôle ou triste... C'est une superbe histoire, mais je la trouve tellement triste que même les passages les plus drôles m'ont émus ! Mais oui c'était génial et ça donne une vision de l'amour particulièrement belle !

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    1. Ah ça me fait plaisir qu'il t'ait plu !!! Oui effectivement, la globalité est plutôt triste, mais les dialogues du début et même certaines situations restent hyper drôles je pense ^^

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